Les autres sens : l’odorat interagit-il avec d’autres sens ?
La gustation
La gustation, processus biologique à l’origine du goût, est liée à l’activation de récepteurs sensoriels gustatifs, situés dans la bouche et sur la langue. Ce système sensoriel est distinct du système olfactif. Il utilise ses propres récepteurs et possède dans notre cerveau des régions dédiées, différentes de celles de l’olfaction. Le système gustatif est responsable de sensations de salé, de sucré d’amer et d’acide, autrement dit la saveur des aliments.
L’interaction entre le goût et l’odorant : la naissance de la flaveur
Pourtant, une odeur de fraise provenant de l’étal sur le marché nous attire car elle évoque cette saveur sucrée, prometteuse d’un fruit savoureux. Il y a là un paradoxe : comment est-il possible que les fraises encore sur l’étal aient une saveur sucrée alors qu’elles n’ont pas encore été dégustées et que l’on n’en perçoit que l’odeur ? L’odeur de fraise résulte de la perception par le système olfactif de molécules libérées par le fruit. A proximité de l’étal, ces molécules volatiles - donc présentes dans l’air - entrent par les narines lors de l’inspiration ; lorsqu’elles parviennent en haut des fosses nasales, elles interagissent avec les récepteurs olfactifs. Ces molécules odorantes, émanant de la cagette de fraises ou de toute autre source odorante de l’environnement, atteignent les récepteurs par la voie dite orthonasale (en entrant par les narines) et donnent naissance au percept sensoriel d’odeur. Les odorants libérés par les aliments et les boissons, lors de leur dégustation, peuvent également atteindre ces récepteurs par la voie rétronasale. Dans ce cas, les molécules sont entraînées vers les fosses nasales par le flux expiratoire au niveau de l’arrière-gorge, notamment après la déglutition ; ceci donne naissance au percept d’arôme. En bouche, certains composés libérés par les aliments ne sont pas volatils, mais solubles dans l’eau. Ils ont ainsi la capacité de se dissoudre dans la salive et peuvent atteindre les récepteurs de la gustation ; le percept induit est appelé saveur. D’où le paradoxe ! En fait, bien que les arômes et les saveurs soient issus de systèmes sensoriels distincts, ces percepts sont intégrés simultanément au niveau cérébral pour former le percept global de flaveur. Ainsi quand on perçoit l’odeur de fraise, cela évoque plus largement la flaveur de la fraise qui possède une dimension sucrée ; on parle alors d’interaction arôme-saveur. Le terme de goût est le plus souvent utilisé dans le sens de la flaveur, mélange de saveur et d’odeur. Lorsqu’on dit que l’on a perdu le goût, le plus souvent, c’est l’odorat qui est affecté, montrant la forte contribution de l’odorat à la flaveur.
Le système trigéminal
De nombreux stimuli olfactifs et gustatifs stimulent conjointement le système trigéminal présent au niveau de la face et dans les cavités nasale et buccale. Ce système souvent méconnu contribue aux réflexes de défense de l’organisme, comme l’éternuement et le vomissement, qui protègent les voies respiratoires et digestives notamment. Il nous informe sur les caractéristiques piquantes (poivre, moutarde, citron …), irritantes ou toxiques (ammoniac, acétone …) des molécules parvenant dans la cavité nasale et la cavité buccale. Il est aussi à l’origine de sensations de froid ou de chaud, telles que la fraîcheur de la menthe et de l’eucalyptus ou la chaleur du piment. Cette sensibilité chimique est véhiculée par le nerf trijumeau (V° nerf crânien). Ces fibres projettent de façon controlatérale dans le tronc cérébral puis, via le thalamus (noyau ventral postéro-médian) vers le cortex somatosensoriel qui traite de la sensibilité générale.
Dans la population générale, les troubles olfactifs sont fréquents, liés à des traumatismes, des infections, des affections neurodégénératives ou au vieillissement. Le système trigéminal en revanche apparaît relativement protégé et reste efficient jusqu’à un âge avancé.