Perception : quelles sont les capacités olfactives ?
Détection et discrimination
Pour détecter la présence d’une odeur (ai-je senti une odeur ?) et la discriminer d’une autre (cette odeur est-elle différente de celle que j’ai précédemment sentie ?) nul besoin de savoir même parler : les nouveau-nés en sont capables ! Ils tournent la tête vers des odeurs familières ou plaisantes et ont plus souvent des mimiques faciales négatives face à des odeurs qui sont considérées comme déplaisantes pour les adultes. Une étude récente estime que le nombre d’odorants que l’Homme peut discriminer est immense : il serait de l’ordre de 1000 milliards !
En revanche, identifier les odeurs (quelle est cette odeur ?) est toujours une tâche difficile, surtout s’il faut lui donner un nom. Pour pallier cette difficulté , les tests permettant la mesure des capacités d’identification olfactive se basent sur des questionnaires à choix multiples. Dans ces tests, les participants qui sentent des odeurs doivent déterminer, sur la base de noms qui sont proposés par l’expérimentateur, quelle est l’identité de l’odeur (généralement, 4 mots possibles dont un qui correspond au « label » correct). Les capacités d’identification olfactive baissent avec l’âge (surtout à partir de 60/70 ans). Par ailleurs, il semble que les femmes ont de meilleures capacités d’identification olfactive que les hommes (en moyenne 1 odeur reconnue de plus sur un test qui comprend 16 odeurs).
Universalité, diversité de la perception olfactive et Anosmie spécifique
Si certaines odeurs font quasiment l’unanimité sur leur caractère agréable ou désagréable, irritant ou sucré par exemple, chacun sait aussi que le plus souvent, nous ne percevons pas tous les odeurs de la même façon ; les perceptions olfactives sont variables d’un individu à l’autre. Par exemple, d’une odeur que personnellement vous qualifierez de « fraise, très agréable », une autre personne dira que c’est « une odeur de bonbon très chimique, je n’aime pas ! ». Une façon d’étudier cette variabilité de la perception olfactive consiste à analyser les réponses de plusieurs cultures à un jeu d’odeurs donné.
Ces facteurs de variation, qui concernent l’expérience individuelle et le patrimoine génétique, commencent à être mieux connus. Par exemple, avec l’expérience, l’être humain est capable d’apprendre à apprécier des épices a priori aversives comme les piments, et à aimer l’odeur du fromage de Saint Félicien que d’autres cultures considèrent comme une insulte pour les sens. Par ailleurs, des travaux en biologie moléculaire et génétique montrent que nous n’avons pas tous le même équipement en récepteurs olfactifs, ce qui est un facteur déterminant de variabilité entre individus. Il a ainsi été montré que, pour un certain nombre de ces gènes, il existe des formes actives ou inactives : chaque être humain est porteur d’une combinaison différente de récepteurs et chacun possède son propre répertoire de récepteurs olfactifs fonctionnels. Les travaux les plus récents montrent comment in fine ce patrimoine génétique influence nos choix alimentaires.
Dans certains cas, une personne peut se trouver incapable de percevoir une molécule odorante particulière : on parle alors d’anosmie spécifique. Pour certaines molécules, ces anosmies concernent une part considérable d’une population. Par exemple, il a été estimé que 30% des Européens sont dans l’incapacité de percevoir la molécule d’androsténone. Pour ceux qui perçoivent cette molécule les descriptions sont très diverses, allant de « odeur d’urine extrêmement déplaisante », à « odeur florale et agréable ». Des exemples de capacité fortement réduite ont également été documentés pour une dizaine de composés différents incluant l’Acide Isovalérique (odeur corporelle) et le Cis-3-Hexen-ol (odeur d’herbe). Depuis longtemps on a remarqué une héritabilité (transmission familiale) de ces anosmies et plus généralement de la capacité de perception olfactive.
Mémoire
Il existe un lien très fort entre olfaction, émotion et mémoire. Ce lien se caractérise par la capacité des odeurs à générer le rappel de souvenirs autobiographiques puissants et anciens. Une odeur peut nous transporter dans un temps révolu et nous faire revivre un événement de notre enfance riche en émotions, en sensations, en détails divers.
Ainsi, on sait que, par rapport aux souvenirs associés à des images, des sons, des mots, ou des perceptions tactiles, les souvenirs liés aux odeurs sont plus émotionnels et plus vivaces. De plus, les premiers souvenirs liés aux odeurs sont principalement localisés dans la première décennie de la vie, dans la petite enfance, alors que les premiers souvenirs associés à des sons ou des images sont majoritairement localisés dans l’adolescence et au début de l’âge adulte. Enfin, nous rappelons les souvenirs associés aux odeurs moins souvent que les souvenirs associés à d’autres modalités sensorielles. Ces souvenirs sont alors saisissants ; ils sont surprenants par leur contenu largement oublié et par la fraîcheur des sensations ressenties. Ils sont aussi plus fidèles à l’épisode de vie initial puisqu’ils n’ont pas été remodifiés lors de rappels répétés.
L’existence d’un lien intime entre les odeurs, les émotions et les souvenirs, fait que les odeurs sont de plus en plus utilisées à des fins thérapeutiques. Dans le cadre clinique, des flacons contenant des odeurs sont présentés à des patients ayant subi une atteinte de la mémoire et du langage. Ces odeurs font alors resurgir des souvenirs, des émotions, et libèrent alors la parole du patient.
Le lien très fort qui existe entre olfaction et mémoire peut être à rapprocher de l’anatomie du système olfactif. Ce dernier se distingue des autres systèmes sensoriels par le fait que les aires olfactives appartiennent toutes au système limbique et sont à ce titre fortement impliquées dans les processus émotionnels et mnésiques.