Nez et cerveau

Nez et Cerveau : comment l’odeur est-elle perçue ?

Les odorants

Une odeur est une perception qui résulte de l’activation du système olfactif par une ou des substances chimiques odorantes. Pour qu’une substance possède des propriétés odorantes, il faut notamment qu’elle ait un poids moléculaire modéré, et d’autres caractéristiques (par exemple volatilité) qui vont au moins lui assurer de se trouver dans l’air que nous respirons.
Quel lien entre molécules (= odorants) et odeurs ? Bien qu’il n’existe aucune règle de correspondance entre une famille chimique (acide, alcool, ester…) et un type d’odeur (floral, fruité, boisé…), la présence de certains groupes chimiques confère aux molécules qui les portent une odeur spécifique. On peut citer les molécules qui portent deux groupements amines, telles que la cadavérine, la putrescine ou la spermine dont les noms évoquent les odeurs auxquelles elles sont associées. En revanche, les odeurs dites florales ou boisées peuvent être portées par des molécules appartenant à des familles chimiques très variées.

Le nez

Un produit odorant qui pénètre dans le nez ne devient une “odeur” que s’il est détecté par la muqueuse olfactive. Celle-ci porte des cellules nerveuses (neurones) qui transforment le message chimique en influx nerveux interprétable par le cerveau. Les cavités de l’organisme sont recouvertes d’épithéliums qu’on appelle muqueuses car elles sont enduites d’un mucus qui joue un rôle protecteur. Passez le doigt dans votre bouche : c’est humide et ça glisse, c’est un mucus.
La muqueuse olfactive tapisse l’intérieur de chaque cavité nasale. Chez les chiens, sa surface peut atteindre 200 cm². Chez l’Homme, elle réside tout en haut de chaque cavité nasale, entre les deux yeux, et ne mesure que 5 cm².
C’est le seul tissu nerveux au contact de l’extérieur. Il est donc exposé aux agressions. Pour y faire face, il se renouvelle pendant toute la vie. On appelle cela la neurogenèse. Chez l’homme adulte, c’est un des rares tissus nerveux à se renouveler. Ce phénomène a un intérêt scientifique et clinique non négligeable au-delà de l’olfaction, pour la régénération de zones lésées du système nerveux.

La muqueuse olfactive est composée de trois types cellulaires :

  • Les neurones olfactifs qui portent des molécules spécialisées, les récepteurs olfactifs. Lorsqu’un odorant, présent dans l’air inspiré, se lie à un récepteur, le neurone s’active et génère un influx nerveux véhiculé par l’axone vers le bulbe olfactif dans le cerveau. Les récepteurs olfactifs sont portés par les cils de ces neurones.
  • Des cellules de soutien qui structurent la muqueuse et entretiennent les neurones.
  • Des cellules souches qui renouvellent la muqueuse toutes les 3 semaines environ.

Le mucus forme une couche de 50 à 80 µm d’épaisseur qui baigne les cils des neurones. Il contient de l’eau retenue par des grosses molécules, les mucines. Il contient aussi des OBP (odorant binding proteins, en français “protéines de liaison des odorants”) qui coopèrent avec les récepteurs olfactifs pour capter les molécules odorantes et générer le signal nerveux.

Les neurones récepteurs

Les neurones olfactifs assurent la réception des molécules odorantes qui sont « inspirées » dans la cavité nasale et atteignent la muqueuse olfactive. Ces neurones sont équipés de récepteurs moléculaires olfactifs. Bien qu’il existe une grande variété de récepteurs, chaque neurone ne porte qu’une seule variété de récepteurs.
La plupart des odeurs sont complexes, c’est-à-dire qu’elles sont composées de plusieurs molécules odorantes. Ainsi, une odeur est captée par différents types de récepteurs olfactifs.
L’être humain dispose d’environ 400 types de récepteurs olfactifs différents, qui vont s’activer de manière différente en fonction des molécules odorantes qu’il respire. Si la perception d’un type de molécule peut être vue comme un accord musical sur un piano de 400 touches, la perception temporelle d’un mélange complexe est alors une symphonie d’une extraordinaire complexité ! On comprend alors que l’absence d’un type de récepteurs ou toute autre perturbation dans la perception du signal va engendrer des différences dans l’odeur que l’on peut percevoir.
Une fois « fixées » à un récepteur, les molécules odorantes vont déclencher une à deux cascades de réactions chimiques à l’intérieur du neurone qui correspondent aux deux voies principales de signalisation intracellulaire ; la voie impliquant l’AMPc (adénosine monophosphate cyclique) et la voie impliquant l’IP3 (inositol triphosphates). Il s’agit de l’étape de la transduction olfactive qui constitue un deuxième niveau d’intégration périphérique du signal olfactif. Les règles qui régissent leur mise en jeu ne sont à ce jour pas complètement établies. Le signal est ensuite envoyé vers le bulbe olfactif, une structure cérébrale qui a la capacité de renouveler certains de ses neurones : c’est la neurogenèse.

Bulbe olfactif et neurogenèse

Le bulbe olfactif est une petite région cérébrale, située sur le plancher de la boîte crânienne chez l’homme, et qui traite le message olfactif en provenance des neurones récepteurs de la cavité nasale. Il siège au sein de cette région une forme particulière de plasticité, la neurogenèse adulte. En effet, on a longtemps pensé que les neurones ne se formaient que pendant le développement embryonnaire, et que l’on disposait donc à la naissance d’un stock définitif de neurones. Ce dogme s’est effondré lorsqu’un apport permanent de nouveaux neurones (neurogenèse) a été mis en évidence dans quelques régions du cerveau de certains mammifères adultes, en particulier dans le bulbe olfactif. Ainsi, chez l’animal et peut être chez l’Homme, les nouveaux neurones, dont le nombre est augmenté par l’apprentissage, seraient nécessaires à l’amélioration de la capacité à discriminer et mémoriser les odorants. L’intégration permanente de nouveaux neurones dans le réseau neuronal bulbaire permet au système d’être très plastique, et ainsi de s’adapter à un environnement en perpétuel changement : les nouveaux neurones modifient la représentation neurale de l’odeur en fonction des besoins de l’animal, de la pertinence et de la signification que l’odeur a acquise avec l’expérience.
L’existence d’une neurogenèse olfactive active chez l’Homme est actuellement discutée ; elle semble diminuée par rapport à celle présente chez l’animal, mais des neurones formés chez l’adulte ont été mis en évidence dans le bulbe olfactif humain.

Le cerveau olfactif

Du bulbe olfactif, l’information olfactive est transmise aux cortex olfactifs primaires incluant principalement le noyau olfactif antérieur, le cortex piriforme, le tubercule olfactif, l’amygdale et le cortex entorhinal latéral. Toutes ces aires forment un large réseau fortement interconnecté. Les neurones de ces régions se projettent ensuite sur l’hippocampe et le thalamus, ainsi que sur les cortex olfactifs secondaires constitués des cortex orbitofrontal et insulaire. Il est intéressant de noter que le système olfactif se distingue des autres systèmes sensoriels par une double particularité. Premièrement, l’information sensorielle ne passe pas par le thalamus avant d’atteindre le cortex olfactif primaire. Deuxièmement, seuls deux ou trois neurones séparent les neurorécepteurs des régions cérébrales fortement impliquées dans les émotions (amygdale) et la mémoire (cortex entorhinal, hippocampe). Il existe donc un lien anatomique privilégié entre olfaction, émotion et mémoire.